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6 février 2021

DE BONNE FAMILLE

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Je m’appelle Charles Pompey.

Charles comme mon grand père.

Dernier rejeton en date d'une famille de notables dans une petite préfecture au fond de la province française. Une famille bien pensante, honorable, à la réputation sans tache.

Il se dit depuis toujours que nous descendons d'un gitan. Ce qu'infirment toutes les recherches généalogiques. C'est une légende venue d'on ne sait où. Peu m'importe. Je trouve la légende glorieuse. Je veux y croire même si je sais parfaitement pas que ce n'est pas vrai. Et je me vante de cette ascendance.

 

J'ai eu une enfance d'enfant roi.

Meilleures écoles, meilleures vacances, école de beaux arts et conservatoire de musique, classe de violon. Pour honorer la tradition familiale. Afin de compléter l'éducation d'un futur individu parfaitement cultivé aux talents artistiques qui forcent l'admiration des masses.

 

Une éducation virile.

Une affaire d'hommes, entre hommes. Les femmes n'y ont pas eu leur place. Trop affaiblissantes, amollissantes. Trop tendres et émotives.

Pas de maltraitance mais beaucoup d'exigences. Rien que des exigences. Indiscutables. Non négociables. Soumission exigée sans murmure.

Apprendre à obéir pour apprendre à commander.

L'enfance d'un chef, porteur de tous les espoirs de tous les succès de sa famille, devant être sa fierté, son image de marque, le sommet de sa réussite.

Promis par nature, par naissance, par atavisme, par hérédité, par éducation, à une position sociale forcément élevée.

La plus élevée.

Obligation d'excellence pour atteindre, le premier, le plus haut.

Pour occuper, à n'importe quel prix, le devant de la scène.

Question d'honneur familial auquel nul ne peut déroger.

 

Rien de tout cela n'a jamais été énoncé. Ou suggéré. Ou même sous entendu.

Une évidence gravée dans les hélices de mon ADN.

On ne lutte pas contre les sangles d'une génétique toute puissante.

 

J'étais le modèle de l'enfant parfait, toujours cité en exemple.

 

Digne, contrairement à tant d'autres, certaines familles n'avaient vraiment pas de chance, d'une famille qui ne voulait que le meilleur pour lui et qu'il ne décevrait pas.

Un enfant sage, obéissant, raisonnable, réfléchi, intelligent qui ne parlait, et les yeux baissés, seulement quand on l'interrogeait. Et pour dire que des choses intelligentes.

Soigneux. Jamais une tache sur ses cahiers ou sur ses vêtements.

 

Jamais donc l'ombre d'un reproche.

Au contraire, et sous leurs applaudissements, couvert, jusqu'à l'étouffement, de félicitations. De compliments. D'éloges.

 

Corseté de bonne éducation, sanglé dans les bonnes manières, respirant en toute discrétion, impossible de dévier du destin auquel j'étais promis. Chemin désespérément droit au milieu précis d'un désert stérile parce que sans originalité ni imprévu. Par eux pour moi. Je serai médecin. Le médecin de l'élite locale dont je détiendrai tous les secrets inavouables. Ce qui l'incitera à voter pour moi pour moi quand je reprendrai le lambeau politique de mon grand père. Paternel, le grand père. Autre tradition familiale, toutes les transmissions se font par la seule voie des mâles. Il n'y avait rien à hériter des femmes.

 

Je n'ai été ni un enfant heureux ni un enfant malheureux.

Simplement parce que dans cette famille de gens sérieux, de gens de bien, le problème du bonheur ou du malheur, même d'un enfant, ne se posait pas. Une question stupide. Voire indécente. Que ne se posaient que les oisifs, les désœuvrés. Tous les inutiles qui ne veulent rien faire.

 

Seuls y comptaient l'ordre. Etabli. Et la retenue. En toute chose. Démonstrations d'ordre affectif, émotionnel voire sexuel, le pire du pire, absolument prohibés. Un monde de silence, un désert vide et glacé. Mais je ne connaissais pas d'autre paysage.

Peut être plus... chaleureux.

 

Pour moi, dans toute mon innocence, ainsi devait aller la vie, droite dans ses bottes.

Sans discussion.

 

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