LA PLAGE

J'aime la plage.

Quand elle est déserte, abandonnée par ces tas de viandasse humanoïde qui transpirent en se bavant dessus, serviette contre serviette en exposant, comble de l'indécence et injure au soleil, sans vergogne, sa laideur irrémédiable.

Sans parler des enfants monstrueux qui crient et qui galopent en vous aspergeant d'eau et vous envoient des giclées de sable dans les dents.

L'odeur de pommade à bronzer me dégoûte.

Ce serait à m'en trouver pollué comme un oiseau mazouté un jour de marée noire.

Je m'y rends donc aux saisons, jours et heures non ouvrables.

Le ciel, le soleil, les nuages, parfois la pluie et le vent, l'océan, les oiseaux et moi.

Moi qui, congénitalement, n'a aucun instinct grégaire.

Divine solitude impénétrable et sans fond !

Le retour au silence originel, absolu, c'est à dire dans l'absence totale de tout bruit d’origine humaine.

Le vide, de pensée, de corps et de physiologie.

Je suis un pas trop mauvais nageur.

Je préfère la mer froide et agitée.

Une eau calme et chaude ne me procure aucune sensation, aucun frisson.

C'est un vrai et intense plaisir physique que de me faire mordre par les vagues glacées, les laisser m'envelopper, m'enrouler.

Sous l'eau, je perds mon souffle, un léger vertige avant cet instant de perte totale de conscience.

Instant que je prolonge en me maintenant au fond, en apnée.

Jusqu'au moment où l'Atlantique, toujours plus fort que moi, me remonte à la surface.

Une grande inspiration et je replonge.

Pour reprendre corps.

Un corps frissonnant, palpitant, scintillant.

Un corps orgasme.