YAN LIANKE/SERVIR LE PEUPLE

Pour servir le peuple, célèbre slogan de l'infâme et sanglante Révolution culturelle, il faut, sur ordre, officieux mais impératif, coucher avec la femme de son supérieur.

A mon avis, il y a pire.

Yan Lianke a dû provoquer une grave crise cardiaque au censeur en chef, le ministre chinois de la propagande. Et nul ne s'étonnera que le livre soit saisi et interdit à peine publié.

Le mari absent deux mois, les deux amants passent leur temps au lit et s'en donnent à cœur joie. Normal, ils sont là pour ça. Tout pourrait aller pour le mieux dans le sublime paradis de Mao quand ils brisent une statue du Grand Timonier. Geste sacrilège s'in en est et qui peut coûter cher très cher. Est-ce l'effroi ? Ce geste va déchainer le désir de nos deux amants. Et les pousser à une folie, voire une rage de destruction de tout objet qui rappelle Mao. Activité contre révolutionnaire, insulte au grand divin Mao. A l'époque où poser ses fesses sur un journal où Mao apparaissait en photo pouvait vous conduire en camp de rééducation ou au peloton d'exécution, c'était tout de même risqué...

Yan Lianke s'en donne à cœur joie. Il jubile visiblement à passer au broyeur les plus grands tabous de la Chine rouge. Outre Mao, l'armée, la révolution, le peuple, le sexe, le politiquement parler et penser, la morale étroite et sourcilleuse du maoïsme bolchevisme, l'amour fétichiste pour la personnalité du Grand Timonier, tout y passe. Il se régale parce qu'il ne respecte rien et moins il respecte plus il se régale.

C'est régalant, jubilatoire, réjouissant. A bas tous les vieux poncifs, les vieilles idoles, toutes les vieilleries pour parler comme la bande à Mao. Des passages d'un érotisme torride et d'une magnifique poésie nous invite à la révolution, non sanglante celle là, par le sexe.

Mot d'ordre : tout le monde à poil et on baise. Vive l'anarchie pacifique de l'orgie !

Je connais pire programme révolutionnaire.