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28 novembre 2018

LA TOUR MARGUERITTE

s-l500

Il le sait.

 

Il a toujours été tragiquement lucide.

 

La démence viendra, peut être, qui sait, avant la mort.

 

Elle entrera sans frapper et s'installera dans son encéphale pour lui arracher la mémoire. Comme une araignée pour lui grignoter la souvenance.

 

Avant d'être oublié, il aura tout oublié.

 

Parfois, peut être, un inexplicable éclair de reconnexion.

 

Fugace.

 

Qui ne lui évoquera rien.

 

Un sein ou un sexe de femme, un goût de baiser ou de chair féminine, une sensation de caresse ou de morsure, un frisson d'orgasme ou d'angoisse, tout ce pour quoi il aura vécu, tout ce qui l'aura fait vivre, tout ce qui aura illuminé ou obscurci sa vie selon le moment et l'histoire, le moment de l'histoire, n'aura plus aucun sens.

 

Mais pour l'instant, la bestiole se tient à distance.

 

La vie est longue mais elle court au triple galop vers la mort.

 

La vieillesse a fini par le rattraper. Et les portes de la jeunesse lui sont définitivement fermées. C'était inéluctable. Et l'inéluctable est dans l'ordre des choses.

 

Quand on a des souvenirs à revendre, vieillir n'a rien d'un drame. Juste un... inconvénient. Fort désagréable tout de même. Mais rien de plus. Il n'y a pas de quoi aller s'en pendre à la première branche venue.

 

Et il a des souvenirs à la pelle.

 

Il aura donc vécu.

 

Et quand on a vécu, on n'a plus d'avenir.

 

Le passé est tout ce qui lui reste. Le temps et son corollaire, l’irréparable outrage de l'oubli, ne lui ont encore pas volés.

 

Quand la météo le lui permet, il vient s'assoir dans ce jardin public, sur ce banc. Au pied de la tour Marguerite. Pas pour réfléchir. A quoi pourrait-il encore réfléchir quand l'avenir le pousse dans le dos vers le cercueil ? Il n'a plus l'âge de se souvenir.

 

Il a l'âge de se souvenir.

 

Et cela lui convient, le satisfait, le comble.

 

Parce qu'il n'y a plus rien qui pourrait l'empêcher de vivre.

 

Il en retire comme un certain apaisement. Il a fait la paix avec la vie. Il s'est réconcilié avec sa vie. Il peut la prendre à plein dans ses bras.

 

Presque l'aimer.

 

Et quand bien même, ce n'est pas le même banc, usé lui aussi par le temps, ils l'ont remplacé, ce n'est pas la même tour qu'ils ont débarbouillée de sa crasse citadine, en ce qui le concerne, c'est toujours le même banc, la même tour. Dans le jardin des souvenirs.

 

Pour tout retrouver avant que tout foute le camp, sans hâte, il vient se souvenir.

 

Il vient là parce que c'est là que tout a commencé.

 

 

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