LA BEAUTE

Pourquoi tu me regardes ?

Ça fait une éternité que dos à la fenêtre ouverte, tu me regardes.

Et que tu souris.

C'est si rare de te voir sourire aux lèvres.

Parce que tu est belle.

Tu es complètement fou.

Ce n'est pas un scoop que je sois fou. Comme ce n'est pas un scoop non plus, tu es belle.

Tu n'es pas belle comme les autres.

Avec leurs culs, leurs seins, leurs maquillages, ces Barbies du mauvais goût à l'élégance de Monoprix même quand ça sort de la grande couture. Qui envahissent les rues, reproduites à l'infini par des machines automatisées.

Toi, tu es une pièce unique du cousu main.

Tu n'es belle que comme toi.

Tu ne te grimes pas, tu ne te déguises pas pour cacher ta misère. Tu es nue et dans ta nudité tu ne t'habilles qu'en Fleurs du mal, qu'en Beethoven, qu'en Zarathustra, qu'en mythe de Sisyphe.

Qu'en Soulages.

Tu es belle comme un corbeau de sorcière dans la neige, descendue d'une guerre des étoiles qui devait être sanglante. Tu en portes les cicatrices.

Objectivement, rien chez toi ne peut faire grimper ma libido au plafond.

Tu ne m'excites pas.

Du moins sexuellement.

Mais tu me fais bander artistiquement, jouir poétiquement.

Tu es vraiment le plus grand des poètes.

Tu sais bien que non. Le plus grand c'est l'autre salaud.

Pourquoi salaud ?

Parce qu'il écrit mieux que personne, mieux que moi.

Mais je ne suis pas jaloux. Parce que toi, tu aimes ma poésie. Tu es bien la seule. La sainte famille, cette bande de cadavres fornicateurs en décomposition n'y a jamais rien compris.

Tu écoutes ma poésie.

J'écris pour toi. Avant, je n’écrivais que dans le vide. Il n'y avait aucune matière.

Tu ne fais pas bander, tu m'inspires et c'est beaucoup plus fort.

Tu m'inspires parce que tu es belle.

Je te compose comme un sculpteur.

Je ne te caresse pas.

Je te modèle, je te dessine, à l'identique.

Entre mes mains.

Tu es belle et comme tous les artistes, je n'aime que la beauté au dessus de tout.

Je ne t’aime pas.

J'aime ta beauté.

Et un jour, un jour, tu verras, nous en feront LE chef d'oeuvre absolu. Que nous méritons parce que nous le sommes de naissance.

On ne baise pas parce que nous sommes des artistes.

Tu es trop belle pour je te baise.

Je ne te souillerai pas en te molardant quelques gouttes de sperme dans la bouche, dans le vagin ou dans le cul.

On ne crache pas au visage de la beauté.

On ne se branle pas contre la Vénus de Botticelli.

On n'éjacule pas sur l'Origine du monde.

Tout, entre nous, n'est que purement esthétique.

Ne commettons pas de sacrilèges.

Si nous voulons quitter et pour toujours, l'univers des bovins.

Grimper plus haut que le ciel ou descendre plus bas que l'enfer.

On s'en fout.

On aura tout mérité.