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9 novembre 2020

AU CATALAN

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Au Catalan.

Un bar miteux, obscur, puant rue du rempart de l'Ouest, porte officielle auto proclamée de la Garenne de Bosso. En contre bas du trottoir de trois ou quatre marches peux sûres sous le pied. Voisin des conservatoires de danse et de musique et de l'école des beaux arts et de l'hospice.

 

Au Catalan.

On se demande bien pourquoi Au Catalan.

Puisque le patron, qui se fait appeler Abraham, est un vieux juif immigré, qui a fuit la Russie communiste et son antisémitisme en traversant sur le dos de son père une bonne partie de l'Europe. Il raconte son histoire en boucle en suçant son mégot baveux éteint depuis des heures. Il ne sait toujours pas que Staline est mort depuis 1953 et que le mur de Berlin est tombé en 1989. Gâteux de malheur, de misère, d'alcoolisme, de vieillesse.

Les ongles aussi noirs que son comptoir, les yeux aussi chassieux que sa vitrine.

Malgré l’interdiction légalement affichée on peut bien fumer une clope, voire un joint, dans son bouiboui, partir sans payer il ne voit rien, il ne dit rien. Il s'en fout.

 

Le seul être vivant auquel il manifeste un peu d'attention, voire une touche de tendresse, c'est Napoléon. Son chat eunuque, obèse par castration et suralimentation. Qui ne quitte son bout de comptoir que pour manger, pisser et chier. Ses uniques activités quand il a les yeux ouverts. Ce qui est rare et toujours bref. Aussi aimable, attirant, propre que son propriétaire et comme lui, totalement indifférent au monde qui l'entoure.

 

Au Catalan donc.

Fréquenté assidûment par les vieux et les vieilles de l'hospice qui ont, la plupart, passé le plus long de leur vie à l'hôpital psychiatrique. Qui s'en est débarrassé dans ce pourrissoir. Ils viennent se saouler mélancoliquement en bavant sur leur table, le geste tremblant, le regard éteint sur leur vie ratée/perdue et leurs délires éteints. Pour finir par s'endormir jusqu'à ce qu'une blouse blanche en furie entre en trombe pour les réveiller sans ménagement et les ramène manu militari dans leur mouroir.

Ils n'ont pas l'air heureux. Ni malheureux non plus.

Simplement absents de la vie.

Ailleurs.

Sans que personne, et surtout pas eux, ne sache où ils sont.

Heureusement pour eux, il y a Au Catalan.

Où ils retrouvent, peut être, un peu de l'humanité qu'ils ont perdue en cours de route.

 

Au Catalan, c'est aussi le grand quartier général de la faune des beaux arts et du conservatoire de musique.

Tous des artistes en attente de la reconnaissance d'un talent, voire même d'un génie, sur lesquels ils n'ont pas l'ombre d'un doute. Pour la plupart, des fils et des filles des beaux quartiers qui se donnent des airs de bobos écolos extrême gauchistes et font le monde de demain en buvant des verres de vin rouge pour se sentir du petit peuple. Ils en discutent jusqu'au bout de la nuit, bien au delà de l'heure légale de fermeture dans une odeur prégnante d'herbe.

Abraham laisse dire et faire, s'endort souvent sur une chaise derrière son comptoir. Quant tout le monde est parti, il baisse son rideau, ramasse la monnaie sur les table et la jette dans son tiroir caisse sans vérifier, éteint les lumières et va se coucher.

Il est sourd à leurs débats sans fin. Sauf s'ils évoquent Lénine ou Staline.

Là, il les flanque tous dehors en hurlant dans sa langue maternelle on ne sait quelles injures furieuses.

 

Et il baisse, rageur, le rideau.

Tant pis si ce n'est pas encore l'heure de la fermeture.

 

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