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28 octobre 2020

GEORGETTE

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Bonjour tout le monde et tant pis s'y a personne ça fera plaisir au comptoir du patron.

 

C'est Georgette qui vient d'entrer Au Catalan.

Contrairement aux autres, elle ne boit jamais de rouge.

Toujours un blanc bien sec.

Question d'éducation, le rouge c'est pour le bas peuple, dit-elle.

 

Elle a passé presque cinquante à l'asile Georgette.

Pourtant elle n'est pas folle. Elle n'a jamais été folle.

 

Mais simplement différente.

 

Une artiste, brodeuse de génie capable de reproduire des tableaux de maîtres.

Qui préférait dormir sous les arbres du parc. Par tous les temps. Elle picolait dur et couchait avec la moitié mâle du canton de moins de cinquante ans.

J'étais belle quand j'étais jeune et j'aimais ça, baiser. Y a bien longtemps que ça ne m'est pas arrivé.

 

Quand on est la fille des châtelains du village, ce n'est pas tolérable. Alors ils l'ont enfermée à l'asile pour ne plus en entendre parler. Elle n'a jamais touché le moindre morceau de son héritage. Tout pour son frère. Petit arrangement avec le notaire qui n'avait rien à refuser au seigneur du lieu.

 

A l'asile, comme elle ne causait de souci à personne, qu'elle brodait le linge des infirmières et de la femme du psychiatre contre quelques pièces et un paquet de clopes, ils lui fichaient la paix. Elle dormait, été comme hiver, sous un tilleul dans la cour du service. Et tous les jours à cinq heures de l'après midi, elle allait boire son verre de blanc au village.

 

Ça a duré comme ça, et elle était heureuse, jusqu'à ce qu'ils décident qu'elle n'avait plus sa place à l'hôpital. Et qu'ils la transfèrent à l'hospice.

Où elle brode toujours, où elle s'est fait une bande de copains.

Pas de copine, les femmes c'est toutes des garces. Avec les mecs y a jamais d'embrouille.

Elle dort sur un banc devant l'hospice. Les flics veillent sur elle pour qu'il ne lui arrive rien.

 

Elle s'est faite une petite célébrité dans la ville.

 

Elle ne s'appelle pas Georgette.

Elle s'appelle Marie Amélie.

Elle se fait appeler Georgette parce ça fait peuple, pour faire chier cette « putain de sainte famille de rats ».

 

Ça va les amoureux ?

La vie est belle hein quand on est jeune.

Enfin,vous ne me donnez pas l'impression qu'elle soit bandante et baisante pour vous deux.

Abraham vieux débris, secoue-toi le prépuce bon dieu et sers leur deux blancs bien frais à ces gamins. Ça va leur mettre du sourire au ventre. C'est moi qui offre.

C'est du blanc qu'ils auraient dû leur mettre dans leur timbale aux mabouls à Esquirol. Au lieu de leur refiler leur saloperies de neuroleptiques. Je leur en ai parlé cent fois mais ils n'ont rien voulu savoir ces cons. Ils sont cons !

A moi, ils ne m'en ont jamais donné. Pas folles les guêpes en blanc ! Çà m'aurait fait sucrer les fraises. Et avec la tremblotte, pas moyen de broder leur beau linge.

Elle raconte, Georgette, elle se raconte. Elle déroule les souvenirs de cinquante ans de vie asilaire. Souvent, elle se répète. Les étudiants des beaux arts et du conservatoire sont bon spectateurs. Ils en redemandent. Ils sont bon public et elle en profite.

Jusqu'au moment où de Gaulle, autre ancien de l'asile auquel il doit son surnom, lui hurle ta gueule Georgette tu me casses les couilles.

Elle se drape dans sa dignité offusquée et s'en va.

Grande dame.

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