DOMINIQUE FRIARD/J'AIME LES FOUS

« Dans la tête d'un infirmier psychiatrique.
Plaidoyer pour les soins ambulatoires en santé mentale. »

Friard est infirmier psychiatrique et non un infirmier en psychiatrie. Ce n'est pas la même chose. Jusqu'à la loi scélérate qui supprima notre diplôme spécifique, nous étions infirmiers psychiatriques. Il n'y a plus que des infirmiers. Exit l'infirmier psychiatrique formé pour la psychiatrie. Les infirmiers en psychiatrie n'ont aucune formation spécifique. La réforme de 1992, ils ont tué la psychiatrie. A coup de protocoles et de conduites à tenir standardisés par des fonctionnaires qui n'ont jamais mis le bout d'un orteil dans une unité (que je déteste ce terme) de soins psychiatriques, dont les seuls soucis sont l'économie et la rentabilité, le simple humain, rangé dans les cases du sacro-saint DSM, n'a plus droit de cité.

Friard nous raconte a psychiatrie que j'ai connue, pratiquée, aimée. A cette époque où tout nous semblait possible. Où les idées foisonnaient. Où, il faut le dire sans vantardise, notre génération a tout construit. Epique époque !

Il nous décrit les fils relationnels qui se tissaient dans une relation de soins. Quand avant la pathologie, on voyait l'individu, avec toutes ses caractéristiques, dans son individualité, sa globalité. Quand la clinique considérait un être humain comme unique parmi tous les autres avant de le définir comme un malade. Quand, une fois la crise passée, on explorait toutes ses capacités, ses talents pour l'aider à les exploiter et vivre mieux avec une souffrance apprivoisée.

Il nous entraine sur tous les chemins, parfois escarpés et chaotiques du soin psychiatrique, nous invitant à envisager les multiples possibilités d'accompagnement de la folie qui n'est jamais douce si elle n'est pas toujours furieuse.

Il scrute tout de qui peut se passer dans la tête d'in infirmier psy engagé dans son métier et en constante recherche, sur un malade, sur la pathologie, sur le soin, sur lui-même.

A travers le récit, non de cas cliniques, même si la clinique, forcément est présente, mais à travers ces rencontres uniques, spécifiques, par essence chacune singulière, de soins,entre humains.

Un livre à lire. Par les étudiants qui y saisiront l'essence même du métier, écoute, observation, aide. Par les professionnels de santé mentale qui y trouveront matière à réflexion. Par tous les autres, parce que Friard leur présente dans son livre une image de la folie, de la psychiatrie, du soin, du soignant bien éloignée des clichés et et des idées reçues (la dangerosité du psychotique, l'hôpital psy comme milieu carcéral, les drogues qui assomment, la folie des soignants eux-mêmes et j'en passe).

Le tout dans un style clair, vivant, léger, jamais ni pédant ni pontifiant. Dans lequel on respire tout le vécu de l'auteur.

Quant à moi, vieil infirmier psy à la retraite, je m'y suis beaucoup retrouvé. Et je m'y suis dit que pendant quarante années, j'avais fait un sacré beau boulot.