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26 avril 2019

HÉLÉNA

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T'as une amoureuse ?

 

J'ai eu.

Je n'ai plus.

Héléna.

Rencontrée dans un bar un soir de fuite devant une tempête familiale.

 

Une fille obscure.

A en croire qu'elle avait été conçue et qu'elle était née dans un tas de charbon. Un moral passé et repassé au bitume. Des cernes autour des yeux qui ne devaient rien à un excès de maquillage et qui encadraient des pupilles explosées de fumeuses de pétards.

Une allure de zombi albinos et d'une cachexie livide d'anorexique. Manquant totalement de signes secondaires sexuels. Dans la semi pénombre, je ne parvenais pas à me décider entre un garçon et une fille.

Son androgynie m'avait frappé entre les deux yeux.

Raide bleu dingue au premier regard qu'elle m'avait jeté avec un sourire d'un autre monde.

 

Simple et sans façon.

Même pas une surprise.

Pour une fois il y avait de la logique dans les événements.

Elle m'a pris par la main pour me poser sur son lit.

Pour deux paumés de la vie, sans enlever nos bottes et nos manteaux, sans faire l'amour, juste voler un un peu moins de malheur à l'existence et au temps.

 

Trois jours.

Sans nous lever, sans nous laver, en mangeant ce qui nous tombait sous la dent. On a même bouffé sa plante verte. Pour rire. Mais on n'a pas trouvé ça bon. On sommeillait un peu entre deux baises. En la pénétrant, je lui improvisais des poèmes déjantés qui la faisaient rire.

 

Non.

Ne me quitte pas. Si tu t'en vas maintenant, à ton retour, tu trouveras une morte aux veines éclatées sous une lame de couteau.

Je suis resté trois jours.

Jusqu'à ce qu'elle consente à me lâcher.

 

Retour à la maison.

Grognements porcins du paternel.

Où t'étais passé ? Tu pues ! Va te laver.

Je suis monté dans ma chambre pour enfermer l'odeur d'Héléna et de moi entre mes draps.

 

Je ne sais plus combien de jours ou de semaines cette histoire a duré. J'ai même oublié ce que nous avons fait. Ce dont je me souviens, c'est que la voix s'était tue. Je passais devant le miroir désormais muet et aveugle. Il ne me faisait plus peur.

 

Et puis, un jour la cassure des sentiments et les corps éclatés.

 

Dans la lumière lunaire, même pas un cri, même pas un chuchotement, à peine un souffle. Ténu.

Presque un chuchotement.

Viens me faire l'amour, vite, dépêche-toi.

On a fait l'amour.

Mais ce n'était pas pareil.

Un truc clochait.

Ne marchait pas droit.

 

Fous le camp, ne reviens jamais.

 

Un coup de guillotine définitif sur ma nuque.

Ma tête en a roulé dans la poussière sous le lit. J'ai eu toutes les peines du monde à la remettre à sa place. Mes mains s'étaient barrées. Mes pieds dansaient au plafond.

 

Fous le camp.

 

Dans les yeux d'Héléna, ce n'était plus Héléna.

Une autre.

Une inconnue.

Ce n'était pas la voix d'Héléna.

 

Mon bourreau dressé sur le lit.

Un corps d’albâtre aux reflets de vieil ivoire, cachectique, d'adolescente attardée dans son anorexie, sur le drap noir.

Comme en réponse la touffe épaisse, si brune, du gouffre entre ses cuisses.

 

Fous le camp.

 

Sur le trottoir, la voix.

La voix a recommencé à parler dans ma tête et le miroir m'a fait de nouveau peur.

La voix et les yeux d'Héléna.

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