ADELINE DIEUDONNÉ/LA VRAIE VIE

Tout va bien dans ce pavillon sinistre qui ressemble à tous les autres dans cette banlieue en uniforme gris. Une famille tout à fait normale, sans histoire. Un père qui passe son temps à picoler en regardant la télé, castagne sa femme, terrorise ses enfants entre deux chasses au gros gibier. Une mère qui n'existe pas. Une fille de dix ans, intelligente, brillante, fan de Marie Curie. Un petit frère qui rit beaucoup collé à sa grande sœur.

Tout va donc très bien jusqu'au jour où la vie se déchire. Le petit frère part dans une sorte de démence qui va en faire un monstre, comme son père. Notre héroïne veut réparer la vie. Pour réparer, il faut remonter le temps. Elle s'y jette la tête la première, affronte son père qui veut la transformer en gros gibier, parvient à passer entre les gouttes paternelles, étudie furieusement.

Et la vraie vie, la vie d'avant, revient tout cela dans une chute finale sanglante. Et le petit frère renait. Il est sauvé.

C'est à la fois drôle et monstrueux. Traité comme une réalité fantastique. Un roman sur la violence masculine, la violence conjugale. Sur la toute puissance de la pensée magique enfantine qui veut et peut (?) changer le monde.

Écrit avec un sacré talent de décrire ce qui doit être au fond la violence familiale ordinaire, la terreur que les hommes sadiques peuvent inspirer aux leurs, la soumission des femmes à la loi brutale du mâle.

Un premier roman, un coup d'essai, un coup de maître. Un livre comme une urgence à lire qui colle aux doigts jusqu'au mot fin. Qui se lit d'une traire sans respirer. Un conte de la folie quotidienne qui vous contraint à quitter le monde de l'enfance pour devenir adulte dans une chute vertigineuse.

A lire donc.