PORN STAR

Je suis une porn star.

Une travailleuse du sexe cinématographique.

C'est à dire que pour la pellicule, je pompe des bites par tous les trous en doigtant des chattes. Pour les misérables plaisirs masturbatoires de pauvres frustrés qui se branlent devant leur écran d'ordinateur. En croyant que je les regarde droit dans les yeux alors que je ne fixe obstinément que l'oeil de la caméra.

Bonne travailleuse, je connais mon Kama Sutra sur le bout des doigts et même encore plus. Je suis payée à la tâche. Plus j'en prends, plus j'en gagne.

Je fais semblant.

Semblant de ne pas m'emmerder en baisant. Pourtant c'est chiant. Je simule l'orgasme en grimaçant comme une guenon qui se serait coincé les doigts dans une porte, en hurlant à m'en exploser les cordes vocales. Sous les coups de queue déchaînés, les claques sur les fesses et les injures de la virilité pornographique. T'aimes ça, salope ? Ce n'est même pas une question. Oui, j'aime ça, puisque je suis une salope.

Une double pénétration, vaginale et anale, en taillant une pipe à six heures du matin, il faut avoir une sacrée conscience professionnelle.

Pour finir barbouillée de sperme. La bouche pleine de foutre. Parce que dans le porno, l'éjac est faciale ou elle n'est pas. Et elle est, obligatoirement. Mais au réveil, moi, je n'ai pas d'appétit. Je suis juste nauséeuse.

Mais le sourire gourmand et satisfait, de quoi ? Par qui ? est obligatoire. Alors, je souris au mâle super membré.

Pour réussir dans ce milieu, j'ai dû me faire redessiner les seins, reconstruire la vulve, me tatouer jusque sur ma chatte rasée.

Ils me regardent tous avec avidité sur la toile. Mais aucun ne me reconnait dans la rue. Je ne suis jamais invitée dans une émission culturelle télévisée.

Je suis l'image même de leurs frustrations, de leur misère et de leur honte d'être si pauvres.

Je suis sûre que s'ils l'osaient, ils me jetteraient des pierres.

Je suis la version internautique de la femme adultère.