SOLITIUDE DANS LA VILLE

 Et me voilà parti, reparti, anonyme dans la foule qui l'ignore, qui m'ignore, pour laquelle je n'existe pas, et qui pour moi n'est rien d'autre que du vide, du néant. La foule n'a que l'existence qu'on lui reconnaît. Mais la foule, par essence, n'a pas d'existence. Elle ne pense pas, ne parle pas, n'agit pas. Elle n'a pas de vie, ou alors une vie très végétative, entre le minéral et le végétal, dépourvue du temps et d'espace. Donc de conscience. On ne communique pas avec ce monstre difforme, léthargique, agité de quelques mouvements à peine visibles qui s'étale dans le désert de la ville.

Il n'y a pas de meilleur endroit qu'au milieu de la foule pour jouir d'une parfaite et bienheureuse solitude.

Je veux simplement être seul, seul, seul.

Et je suis seul.

Avec mon reflet dans les vitrines pour unique compagnon.

Marcher, marcher, marcher et rien de plus. Me remplir de la marche.

Je ne cherche rien, je n'ai aucun but. Je marche. Sans conscience de la ville, des rues, des trottoirs. Je ne vois rien des façades, n'imagine rien derrière les portes et et les fenêtres.

Je suis le seul être vivant sur cette planète urbaine.

Jusqu'à la rencontre brutale de ce plaisir glacé comme le gel de février sous lequel je suis né et coupant comme le sabre du samouraï bourreau.

Dans un visage croisé, un cul aperçu, un geste de ma main sans grande signification.

Pendant une seconde, voire moins, capter l'éternité de l'éphémère,.

Pour posséder fugacement la vie.

Et rentrer chez moi en me racontant des histoires à valeur masturbatoire.