VOTRE MONDE
Vous l'aurez, votre monde, celui dont vous rêvez depuis si longtemps. Que vous appelez de tous vos vœux, que vous attendez, que vous espérez, pour lequel vous priez, vous vous battez, vous militez.
Ce monde sans chasseur, sans corrida, sans combat, sans guerre, sans pollution, sans enfant qui meurt, sans injustice, sans absurdité.
Votre monde où les larmes et le sang ne couleront plus jamais.
Un monde d'amour universel.
Ce monde où l'on ne mangera plus de viande, un monde de vegan où l'on fera très attention en marchant pieds nus à ne pas écraser les fourmis, dans lequel on se laissera piquer par les moustiques plutôt que de les écraser.
Dans lequel vos chiens seront devenus vos maîtres tant vous les aurez humanisés.
Un monde dont l'uniforme commun à tous annihilera l'homme et la femme, le sexe et le désir.
Un monde de reproduction in vitro et d'insémination artificielle.
Vous aurez perdu le sens de la violence et celui de la douceur, le goût du malheur et l'appel du bonheur, la nostalgie de l'Eden perdu et l'espoir d'un lendemain qui chante, l'appétit de la musique et l'horreur de la poésie.
Le plaisir de l'attente et la cruauté de la déception.
La volonté de puissance et l'esprit de la révolte.
Un monde d'égalité sans justice, de liberté sans rêve, de fraternité sans rivalité.
Un monde trop lisse, un monde trop pur.
Un monde sans douleur, sans folie.
Sans crucifié et l'humain absent.
Votre paradis sur terre
ce sera un enfer.
Stérile.