Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blog méandres
Pages
Derniers commentaires
Newsletter
12 mars 2017

LA LONGUE NUIT DU SCHIZOPHRÈNE

oeuvres-schizophrènes-3

 

Le schizophrène dort peu, si peu.

 

Dans sa longue nuit, le schizophrène n'est pas insomniaque. Il ne dort pas parce qu'il n'a ni jour ni nuit. La longue nuit du schizophrène est aussi un jour sans fin. Au milieu du monde, d'un absurde théâtre auquel il ne comprend rien, dans lequel tout lui inconnu et étrange. Un absurde théâtre, un autre monde dont il ne peut pas s'évader, qui l'a happé, et dans lequel tout est noir et par essence terrifiant. Un monde de la nuit dont il est persuadé de ne jamais en revenir pour retrouver la lumière du jour, dont il conserve comme un souvenir, lumière qui lui reste effrayante. Un monde de la nuit noire où il crie, sans réponse, sans écho.

 

Il y erre, parfois à côté de son corps morcelé totalement dissocié de sa psyché chaotique, de long en long, de large en large, de long en large, de large en long fait demi tour et puis repart dans l'autre sens, sur l'autre face de son délire, vers l'autre rive de son miroir traversé d'éclats de rire qui le coupent comme des éclats de verre chauffés au rouge.

 

Même allongé dans son lit, quand les autres dorment, il erre dans les couloirs longs et sans vie de l'hôpital, dans les corridors sombres et hallucinés de son psychisme labyrinthique et morcelé.

 

Il n'a plus rien. Alors il cherche, il cherche désespéré ses pensées, sa peau, ses organes qu'on lui a volés. Il est nu et vide et tout et tous le traversent, le transpercent, le dépècent, l'écorchent vif. Et il fuit, il fuit jusqu’au bout de cette nuit sans issue qui n'en finit pas.

 

Il n'est plus rien à lui-même.

 

Il est sans repos.

 

Il déambule sans rien voir, absent, ailleurs, perdu dans son monde dans lequel il n'y a ni jour ni nuit, ni clarté ni obscurité, juste l'ombre sans limite, sans repère, son ombre infinie peuplée de terreur.

 

Dans l'ombre d'un temps où les aurores ont des allures crépusculaires et où les crépuscules le harcèlent par ses « je dois me tuer, il faut que je trouve un couteau, que je sorte pour prendre le train par en dessous, il faut que je saigne... ».

 

Quelles créatures le hantent ? Quels monstres pourraient venir le persécuter ? Peur. Angoisse. Insomnies. Monologue ou dialogue à voix multiples de l'intérieur traduisant la cacophonie de ses idées, l'insupportable brouhaha des pensées trop rapides, trop fugaces, trop changeantes et qui ne le lâchent jamais.

 

C'est une nuit qui du matin au soir et du soir au matin le torture de la violence de ses obsessions, de ses idées d'auto destruction, de son délire qui ne l'abandonne pas une seconde, de ses hallucinations qui le brûlent de l'intérieur, lui déchire le corps, de ses phobies qui le font tourner en rond. Un nuit qui sans relâche le tourmente du déchaînement d'angoisses qui le submergent comme une succession infinie de vagues déferlantes. Une nuit de panique devant ce vide, ce néant au bord duquel il est contraint de se tenir, risquant la chute au plus léger mouvement.

 

Le jour peut bien se lever.

 

Le trou noir dans sa tête ne pourra jamais recevoir le moindre rayon de soleil, le moindre filet de lumière.

 

Elle est infiniment longue, douloureusement longue, la nuit du schizophrène.

Publicité
Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 50 150
Publicité
Blog méandres
Archives
Blog méandres
Publicité