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16 janvier 2017

L'HOMME BLESSÉ

flandrin

 

 Il y a des jours, il y a des nuits où, bien au chaud sous sa couette, enfin, sous leur couette puisqu'ils y dorment à deux, la solitude lui manque.

 

Le bonheur d'être seul.

 

Il préférerait un bon tête à tête avec un livre, Beethoven ou Mozart ou quelqu'autre en fond. Avec peut être sur sa table de nuit, un verre de whisky. Du douze ans d'âge.

 

Parce qu'il n'a pas ce soir la tête à ça.

 

A ça, c'est à dire à la baise. Il en est à des milliards d'années lumières. S'il pense, c'est à des milliers d'autres choses. Ou même ne pense-t-il à rien. Mais pas à ça. Contrairement à la légende, un mec, ça ne pense pas qu'à ça.

 

A qui cela n'est-il jamais arrivé ?

 

Il est juste bien.

 

A peine bien.

 

Et voilà qu'une angoisse diffuse l'envahit. Un petit malaise qui pointe le bout de son nez, envahit les tuyaux sanguins, inonde les neurones, vide le ventre, affaisse l'appareil génital. Avec une petite tachycardie en prime.

 

Une morsure au plexus.

 

Elle s'approche.

 

Elle s'approche, câline comme une chatte qui retient ses chaleurs.

 

Elle s'approche, femelle désirante.

 

Et il lui prend comme une vague nausée. Ce n'est jamais très ragoûtant le désir de l'autre quand on ne le partage pas.

 

Il aimerait s'envoler et se réfugier sur la face cachée de la lune.

 

Et s'endormir, plonger dans cette bienheureuse inconscience nocturne, fuir la réalité du jour pour plonger dans le néant de la nuit. Alors, il fait semblant. Mais elle ne renonce pas. Elle le rappelle à la vie. Il est comme un suicidé que l'on vient de réanimer. Merde ! Encore là ! Fait chier.

 

Elle devine qu'il doit simuler. Mais même si elle le croit endormi, elle s'en fout, bien décidée de le sortir des bras de Morphée pour le serrer entre ses jambes.

 

Elle commence tout doucement. Il espère encore que ce ne sera qu'un peu de tendresse avant que le sommeil les sépare. Il s'obstine dans son immobilité et sa respiration de faux dormeur.

 

Puis elle insiste, puisqu'il ne semble pas comprendre, obstiné dans son absence. Elle le caresse, le pourlèche, le suçote, le mordille.

 

La physiologie a ses réflexes, il bande.

 

Il a suffit qu'elle le lâche et retourne comme fâchée pour qu'il bande.

 

Malgré lui, il bande.

 

Combat entre lui et lui.

 

Résister, la pulsion est bien là mais l'envie est aux abonnés absents. Trop de silence depuis trop de jours. De froideur et d'indifférence. Il ne veut pas capituler. Pas cette fois. Ce soir, il n’obtempérera pas.

 

Tentation.

 

Par mécanisme psycho-physiologique il ne résiste plus.

 

La mécanique sexuelle est ce qu'elle est, il ne peut rien contre. Il ne peut pas lutter.

 

Et puis, il redoute le réveil. Elle risque fort de lui faire payer sa résistance. Si elle s'endort frustrée, même si, il le sait, elle se calmera avec ses doigts, elle lui imposera sa mauvaise humeur toute la journée et peut être plus. Elle le repoussera, l'abandonnera. Et ça, il sait que c'est pour lui intolérable. Trop douloureux.

 

Pourtant, s'incliner, se soumettre à la loi de ses seuls désirs, une fois encore, une fois de plus, une fois de trop... Il rêve de ce moment où il dira clairement non. Mais il ne peut pas. Manque de courage, il le reconnaît, se disant qu'il n'a pas de couilles.

 

Alors...

 

Il ne pourra plus feindre encore très longtemps. Il ne peut plus lui cacher sa bandaison. Elle sait qu'il bande. Elle a pris les choses en main, les choses en bouche. Elle le couche sur le dos dans douceur et vient écraser ses seins sur son torse. Elle s'active tant et si bien qu'il se retrouve planté droit en elle qui le chevauche. Sans qu'il est eu le temps de comprendre vraiment ce qui se passait.

 

Bien il se dit que l'appétit viendra en mangeant. Alors, il se met bravement, héroïquement à table. Mais l'appétit ne viendra pas vraiment. Et le repas sera long et aussi peu joyeux qu'un roman russe.

 

Il ressent son mépris qu'elle ne lui cache pas. Tout à l'heure, il aura honte de lui.

 

C'est elle qui le baise.

 

Bien sûr, il ne compte pas les mouches au plafond pour passer le temps. Il est actif, parce que, c'est la loi du genre, le mec doit être actif. Alors il s'active, attentif, attentionné, tendre, amoureux. Enfin il fait ce qu'il peut dans un simulacre angoissé. Son envie d'elle n'est pas très sûre. Il a peur de la débandaison intempestive ou de l'éjaculation prématurée. Ce qui pourrait être catastrophique. Et à coup sûr une blessure insupportable de son ego. Et une bonne dose de culpabilité de ne l'avoir pas conduite jusqu'à l'orgasme. Et la crainte d'un matin qui ne chanterait pas vraiment.

 

Il pense à tout ça. Tout en essayant de se concentrer sur ce qui est en train de se passer.

 

Il a la tête ailleurs. Il ne maîtrise pas les idées qui dansent comme des folles dans sa tête.

 

 

Il la sent jouir, étranger à son orgasme. Il ne sent pas concerné. Elle se sert de lui pour se faire jouir. Et elle se dépêche de le faire éjaculer. Avant de se débarrasser de lui d'un coup de hanche et de lui tourner le dos.


Éjaculation mais pas d'orgasme.

 

Elle s'est vengée du pire des adultères : lui faire l'amour sans la désirer, en faisant semblant. Il ne peut pas la bercer d'illusions. Elle le connait trop bien.

 

Il se sent impardonnable.

 

Ce soir, post coïtum animalus tristus est. Et coupable.

 

Il dormira mal cette nuit.

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