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7 janvier 2017

LES MÈRES PIÉTAS

Michel-Ange_Pieta_Vatican-1143x1201

 

 Maman a dit.

 

Impératif maternel : on ne demande pas, on ne réclame pas !

 

Interdit absolu, un tabou inviolable sous peine de je ne sais quelle malédiction éternelle proférée par je ne sais quelle divinité maléfique.

 

Interdit qui pèsera et qui en entrainera ipso facto beaucoup d'autres.

 

Seulement attendre et ne pas dire oui tout de suite, c'est mal élevé. Débord dire non merci. Toujours attendre qu'on lui propose au moins deux fois. Et s'en servir très peu. On ne se ressert pas. On refuse poliment la deuxième tournée. Comme avec les plateaux de gâteaux chez les amies de sa mère.

 

On pourrait penser que c'est là peu de choses, juste une marotte de mère. Et pourtant...

 

Voilà, la route étroite, sinueuse, avec plein de bosses et de nids de poules que l'on ne voit que toujours trop tard, aux bas côtés mouvants, aux fossés profonds dans lesquels verse régulièrement le véhicule intime de cet enfant, voilà la route sur laquelle cette mère admirable éducatrice, il est si bien élevé, engage son fils.

 

Tu dois aimer, c'est un ordre divin, ton prochain ou ta prochaine plus que toi-même. Du reste , tu ne dois pas t'aimer, tu es un petit être congénitalement détestable. L'effacement de soi jusqu'à l'abnégation, l'abnégation jusqu'au sacrifice. Sacrifice absolu et dans la joie de ton bonheur, de ton plaisir, de ton orgasme.

 

Admirable n'est-ce pas ?

 

Complètement idiot oui !

 

Alors, pour plaire à sa maman et tenter d'en être aimé, en courant après cet impossible amour

 

Alors, pour plaire à sa maman, en courant après son impossible amour pour être aimé, il donne, toute sa vie il donne, il donne. Tout ce qu'il peut, tout ce qu'il a. Quitte à emprunter pour donner plus, encore plus, toujours plus. Donner, donner, donner, jusqu'à l'épuisement. L'obsession de donner, donner, donner, toujours donner, sans rien recevoir, sans rien demander. Jamais. Juste espérer que... Espérer en secret que... En secret parce qu'espérer, c'est avoir envie de... Et l'envie est l'un des péchés capitaux, voire mortel... Est-ce donc mortel que de vouloir être aimé ?

 

L'envie, c'est aussi le désir. Un envie aggravée, surtout quand il s'agit du plaisir sexuel, du corps honni, de la chair infâme. Le désir et le plaisir que l'homme impose à la femme. Jamais exprimé, toujours non dit. Mais qui pèsera lourd dans le développement de la sexualité du pauvre enfant. Et qui lui gâchera la jouissance.

 

Au ventre, le poison de la culpabilité, la peur de la punition, les nœuds du refoulement. Et toutes les somatisations diverses et variées qui vont avec.

 

A perpétuité. Pas de remise de peine à espérer.

 

Coupable. Coupable, coupable, coupable. Coupable d'être un homme désirant. Péché suprême. Alors pour expier, donner, donner, donner, ne rien demander, ne rien accepter. Auto flagellation.

 

Et en vouloir quand même. Impossible dilemme.

 

Donner à l'autre qui n'en demande pas tant. Qui sne comprend rien à cette folie furieuse du don. Agréable, flatteuse, puis vite, insupportable. Étouffant, lassant. L'autre a besoin d'une mise au repos. Mise à distance. Éloignement sanitaire.

 

L'autre qui refuse le don parce que trop de don finit par tuer. L'autre qui ne comprend pas ces envies, ces désirs jamais exprimés, ou alors par de tortueux chemins. Donc complètement incompréhensibles. Quand ils ne sont pas totalement inaudibles.

 

Incapable de demander, il part du principe suivant. J'y pense, j'en ai envie, donc si elle m'aime, elle y pense, elle en a envie comme moi. S'il n'y a pas cette simultanéité, c'est qu'elle ne m'aime pas. Parce quand on aime, on a forcément les mêmes ressentis que l'autre, au même moment.

 

L'autre ne comprend pas, interprétation, elle refuse de comprendre. Donc elle ne l'aime pas ou plus. Il ne peut pas recevoir l'amour. Cet amour qu'il réclame, il n'en est pas digne. Mais si elle l'aimait, elle le lui donnerait. Elle me refuse. Tsunami d'angoisse, il est perdu, brutalement abandonné au milieu de nulle part. Le monde s'est effondré une fois de plus. Et lui n'est plus qu'une ruine, une fois encore.

 

Une fois de trop.

 

Inversion de la mécanique. Sous des airs de mendiant, il passe de l'auto sacrifice à l'exigence absolue. Elle ne peut pas, elle ne doit plus lui dire non, ou simplement différer les choses. Et c'est la grande scène du deux dans sa dramaturgie névrotique. Avec des argumentations imparables tant leur évidence

 

Tableau final. Le renoncement.

 

Incapable de la quitter, il s'éloigne, il l'éloigne. Il ne demande plus, il ne donne plus. Il ne parle plus. Refermé comme une huitre. Il se contraint à ne plus bander pour elle. Impuissance sélective. Il souffre mais maman lui a appris à ne jamais se plaindre. Alors il ne se plaint pas. Il va chercher des pansements pour ses blessures. C'est à dire qu'il va mendier ailleurs quelques miettes, un regard, un baiser, une caresse, l'amour illusoire d'un corps. Contrairement à ce que l'on croit généralement, l'adultère n'est pas toujours joyeux.

 

C'est ainsi que certaines mères font de leur fils de perpétuels mendiants, de définitifs anorgasmiques, des impuissants de la vie, des SDF de l'amour, de la tendresse. Des exilés perpétuels du bonheur.

 

Oh ce que j'aime les mères !

 

Ces mères piétas qui tiennent, admirables de courage, leur enfant mort sur les genoux. Leur enfant qu'elles ont torturé aux génitoires.

 

La mienne surtout.

 

 

 

 

 

 

 

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