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12 novembre 2016

Les filles et leus mères / Aldo Naouri

Les filles et leurs mères
(derniers développements)
Lyon :
Colloque Réel : Mère et fille
10/02/07
Aldo Naouri
Un parcours
Mon travail autour du thème des filles et leurs mères s’est inscrit dans le droit fil d’une
entreprise qui était déjà en cours depuis de nombreuses années, et qui se poursuit d’ailleurs
encore.
Cette entreprise est celle du pédiatre que je n’ai jamais cessé d’être.
Le spectacle répétitif du bonheur des jeunes parents me conduisant leurs nouveaux-nés n’a en
effet jamais cessé de me plonger dans un état d’émerveillement, lequel serait sans doute
parvenu à me combler s’il n’était régulièrement accompagné d’un endolorissement à sa
mesure.
Je me suis, très tôt et toujours, demandé pourquoi il fallait que ces nouveaux-nés, dotés
d’autant de potentialités et placés sous des auspices aussi favorables, soient d’emblée
condamnés aux difficultés qu’ils allaient immanquablement rencontrer.
« …Comme vous le voulez, de toutes les manières, ce sera mal ! »
À défaut de me fournir une consolation, la fameuse sentence freudienne sur la manière
d’élever les enfants prétendait me donner LA réponse, …
Sans doute aurais-je dû m’en contenter, penserez vous. Et peut-être iriez-vous même jusqu’à
imaginer que l’insistance de ma question doit être enracinée dans ma propre histoire.
Vous n’auriez pas tout à fait tort – parle-t-on autrement que de soi ?
Mais vous n’auriez raison qu’en partie.
Car, dans le même registre, j’ai entendu une autre sentence, au moins aussi respectable, de la
bouche d’un autre psychanalyste, Michael Balint – qui venait diriger notre groupe dans les
années 70 :
« La santé des enfants, disait-il, se construit dans le lit des parents. »
Ça m’a beaucoup parlé.
Et voilà un aveu qui devrait vous permettre de gamberger plus encore.
Je signalerai cependant que si cette seconde sentence m’a encouragé à reprendre ma question,
elle m’a en même temps imposé de me doter des moyens susceptibles de vérifier les bribes de
réponses que je pourrais recueillir.
J’ai donc entrepris un parcours psychanalytique et je me suis formé aux sciences humaines
qui me semblaient connexes de ce nouveau champ d’exploration.
Ma pratique en fut profondément modifié.
Un peu plus que de cette manière « minime quoique considérable » que visait Michael Balint
quand il cherchait à modifier l’attitude des médecins face à leurs patients.

Je me suis mis alors à écrire.
Assez benoîtement je le confesse, tant j’étais assuré d’avoir enfin trouvé les arguments, les
bons arguments, que chacun attendait et dont il pouvait vérifier, preuves cliniques à l’appui, la
pertinence.
J’ai, par exemple, méticuleusement démontré qu’il fallait impérativement, autour de l’enfant,
« une place pour le père » !
La violence avec laquelle a été rejeté l’ouvrage que j’ai publié sous ce titre a douché mon
enthousiasme. Elle me conduira néanmoins à me pencher, avec le suivant « Parier sur
l’enfant », sur les causes qui, du côté du champ social, pouvaient souhaiter voir définitivement
disparaître l’instance paternelle de l’univers familial.
Ce fut un flop !
J’ai alors renoncé à aller plus loin.
Tout en vérifiant régulièrement cependant, dans mon travail clinique, aussi bien la validité de
mon approche que celle de l’aphorisme de Balint !
Il en a été ainsi jusqu’au jour où est survenu un événement tout à fait inattendu.
Nous étions six confrères chargés de former, en trois jours à la relation aux patients, 150
pédiatres venus de France entière.
À la fin de la session, pour permettre même aux timorés de s’exprimer, nous avons demandé à
l’ensemble des congressistes de nous poser par écrit les questions qui leur venait à l’esprit.
Quelle ne fut pas notre surprise de voir, sur près de 130 des bulletins, revenir la même
question, formulée dans exactement les mêmes termes : « Faut-il tuer les grands-mères ? »
Ces confrères, hommes et femmes, pédiatres de base, en principe sans formation particulière,
butaient tous, semblait-il, sur une difficulté si grande qu’ils n’avaient pas imaginé pouvoir la
résoudre autrement que par la solution, violente, qu’ils fantasmaient. En peu de mots, ils
faisaient part de leur constat, à savoir que les mères avaient un tel pouvoir sur leurs enfants, et
en particulier sur leurs filles qu’elles continuaient de l’exercer sans nuance, même quand le
cours de la vie avait permis à ces filles de s’éloigner d’elles, de s’autonomiser, de fonder un
foyer et de procréer.
Les filles et leurs mères :
Ayant fait moi-même depuis longtemps le même constat que j’avais d’ailleurs intégré dans
mon ouvrage sur le père, j’ai décidé de développer le sujet sous cet angle particulier, à partir
de ma clinique et de l’éclairage psychanalytique que je pouvais y apporter.
Le livre que j’ai publié en 1998 sous le titre de Les filles et leurs mères a été un véritable
phénomène d’édition. Il m’a valu, et continue de me valoir, un courrier considérable et plein
d’enseignement. Vous n’en trouverez cependant pas la mention dans les bibliographies des
ouvrages qui ont vu le jour depuis, sous la plume de spécialistes réputés plus sérieux que je ne
le suis. Cela tient sans doute à mon statut professionnel, mais aussi à la nette orientation de
thérapie de masse que j’ai donnée à mon travail. Mon message a en effet principalement visé
à déculpabiliser les filles par rapport au malaise strictement inexprimable qu’elles ont à leurs
mères et qu’elles sont condamnées à entretenir indéfiniment quoi qu’elles veuillent ou
qu’elles fassent.
À cet effet, avec force exemples à l’appui, j’ai essayé de rapporter le malaise à son origine la
plus repérable, c’est-à-dire à la phase oedipienne de la relation :

- phase complexe et périlleuse, ô combien, du côté de la fille, condamnée qu’elle est,
pour fuir la fusion et la confusion, de produire une véritable contorsion en substituant
à l‘amour porté à sa mère, celui qu’elle invente à son père ;
- phase récusée, déniée, à l’analyse inaudible et violemment attaquée quand elle fait état
de ce penisneid dont parle Freud ;
- phase singulièrement, et souvent ostensiblement, obérée par la réaction de la mère au
mouvement initié par sa fille. Cette mère ne peut en effet délibérément faire la
moindre concession dans une relation
o qui la fait enfin, par l’identité de la situation, la stricte égale de sa mère ;
o qui lui permet d’exclure le père à hauteur de l’exclusion qui frappé en son
temps son propre père ;
o qui lui permet d’investir cette fille comme son clone, comme une autre ellemême
dont elle espère régir minutieusement le parcours ;
o quitte à « l’élir », arbitrairement, au sein d’une fratrie, fût-ce une fratrie de
soeurs, mettant l’intéressée et les autres en porte à faux : les soeurs enviant
l’élue, qui, elle-même, les envie en retour.
Revendiquant, au terme de ma démonstration, ma sempiternelle « place pour le père », je suis
allé jusqu’à montrer combien la force de ce lien à la mère était susceptible d’expliquer la
distribution du sexe des enfants conçus, avec, ai-je néanmoins précisé, l’aval de leur géniteur.
La description que j’ai donnée,
les explications que j’ai apportées, y compris du côté de la neurophysiologie foetale,
comme les paramètres relationnels et historiques que je n’ai pas cessé d’articuler les uns aux
autres,
n’avaient pas, comme je l’ai dit, d’autre ambition que thérapeutique : je n’ai rien fait d’autre,
je le répète, que de tenter de déculpabiliser toutes les femmes sans exception par rapport à
leurs mères. En les engageant, il est vrai, quand la chose était encore possible, à investir
comme elles le pouvaient, un partenaire auquel avait été retiré, depuis quelques décennies le
soutien sociétal dont il avait toujours bénéficié.
Aux mères de filles, je proposais parallèlement de reprendre le dialogue avec ces dernières, en
n’hésitant pas à remonter avec elles l’histoire de leurs ascendances féminines.
La conception de l’ouvrage, sa construction et son écriture explique l’énorme courrier qu’il
m’a valu. Si en tant qu’auteur, j’ai pu me sentir satisfait, je n’ai pas eu l’impression d’avoir
épuisé mon questionnement.
Les pères et les mères
L’après-coup de ce travail m’a ramené à ce que j’avais déjà commencé à explorer dans mon
flop Parier sur l’enfant, et m’a permis de repérer l’existence d’une alliance objective nouée
depuis quelques décennies entre le champ social et ce que j’avais appelé en 1994 « la
propension naturelle incestueuse de toute mère » – dans un livre, De l’inceste, cosigné avec
Françoise Héritier et Boris Cyrulnik. Il m’a alors paru nécessaire d’aller plus loin pour
analyser les termes de cette alliance, en repérer l’origine, comprendre sa survenue et évaluer
la force singulière qu’elle a acquise au point d’avoir réussi, en très peu de temps, à modifier
de fond en comble les orientations de nos sociétés occidentales.
Je n’avais jamais usé dans mon approche que du discours psychanalytique. Tout comme il
m’avait permis d’affirmer la nécessité d’une place pour le père, il m’avait paru suffire à

démonter le mécanisme de la relation interactive des filles et des mères et à rendre compte de
sa cohérence.
Mais était-il réellement suffisant ? Sur quoi butait-il donc pour radicaliser à ce point les
résistances, sinon les susciter ?
Si une lectrice lambda m’avait interpellé en un « je sais bien mais quand même » à sa façon,
pouvais-je m’aventurer à lui répondre sereinement que la compréhension seule ne suffit pas et
que si elle voulait aller plus loin, il lui fallait faire l’expérience du divan ?
Certainement pas. Et, c’est à partir de ma position de pédiatre que je me trouvais fondé à
douter de cette solution.
D’abord parce que nombre de femmes qui, sur mon indication, se sont essayées à une telle
solution m’ont déclaré n’avoir pas beaucoup avancé sur ce point.
Et que j’ai eu à constater que les nombreuses femmes, mères et psychanalystes à la fois, que
je recevais à mon cabinet, étaient souvent aussi empêtrées que les autres dans leur relation à
leurs mères. Ce qui m’a conduit à m’intéresser de très près à elles et aux différents élément de
leurs parcours – date de l’analyse, durée, nombre de tranches, sexe du ou des psychanalystes –
sans jamais avoir trouvé le moindre critère susceptible de me fournir une explication causale
de cet état de fait.
Comment se faisait-il que la psychanalyse, dont j’ai eu pour ma part à vérifier les
incontestables effets, puisse rencontrer si fréquemment dans ce champ particulier une
résistance aussi massive?
Après bien des hésitations, j’ai décidé d’aller interroger mon constat en usant de l’éclairage
supplémentaire que pouvait me fournir le discours anthropologique.
Ça a donné en 2004 « Les pères et les mères ».
Je ne fais pas mention de cet ouvrage pour le promouvoir ; mais parce qu’il s’inscrit dans
l’inépuisable sujet dont je suis censé traiter et qu’il m’a permis d’examiner la relation à
laquelle nous nous intéressons sous un angle tout à fait nouveau .
Que nous apprend l’anthropologie qui puisse encore nous intéresser à propos de l’espèce à
laquelle nous appartenons depuis 8 millions d’années ?
• Qu’il nous faudrait d’abord rabattre sérieusement notre prétention et notre arrogance. Parce
qu’à son échelle, les phénomènes dont nous débattons équivalent à à peine quelques secondes
de notre perception du temps vécu et mémorisé. Puis, bien d’autres choses édifiantes qu’il
importe de faire savoir.
• Le phénomène qui a auguré la spécification, en premier lieu. Il n’est pas sans importance.
Car la station débout a entraîné :
- une déformation du bassin qui a pénalisé les seules femmes, tuant toutes celles d’entre
elles qui n’étaient pas génétiquement programmées pour mettre au monde des
prématurés au terme de seulement 9 mois de grossesse ;
- une forme de mécanisme compensatoire, survenu dans la suite, aurait fait disparaître
l’oestrus – qui ponctue au cours des saisons l’activité génitale des femelles
mammifères. Les femmes sont devenues disponibles à l’acte sexuel tout au long de
l’année, rendant fous d’un perpétuel désir les hommes dont le seuil d’excitabilité
sexuel a toujours été plus bas que le leur.
5
• Cette période dont la durée difficile à fixer aurait été de 7,7 à 7,8 millions d’années, va voir
l’espèce se comporter sur un mode purement animal au sein duquel prévaut :
- la force musculaire du mâle dominant gardant toutes les femmes du groupe pour son
usage exclusif ;
- faisant courir un risque de mort à tout homme désireux de satisfaire sa pulsion
sexuelle ;
- et laissant aux seules femelles-mères la charge des enfants qu’elles mettaient au
monde sans savoir pourquoi ni comment.
• La mise en place de la Loi de l’espèce, la Loi de l’interdit de l’inceste, serait survenue il y a
2 ou 300 mille ans selon deux scénarios différents :
- celui de Freud, tel qu’il l’expose dans Totem et Tabou, fait intervenir un groupe de fils
qui, s’étant ligués pour tuer leur père, auraient été pris de remords après le repas
cannibalique au cours duquel ils l’auraient partagés et auraient du coup décidé de ne
pas prendre pour eux les femmes qu’ils avaient convoitées ;
- celui de l’anthropologie postule plus simplement une convention entre différents chefs
de hordes pour mettre fin à leurs affrontements en procédant à un échange de femmes
entre eux.
- M’étant longuement intéressé, pour ma part, à ces deux hypothèses, j’en suis arrivé à
me poser deux question à propos d’un fait spécifique à l’humain, à savoir qu’il est la
seule espèce à enterrer ses morts. Je ne suis pas parvenu à trouver plus d’information
sur la raison de ces sépultures que sur la datation de la première d’entre elles. J’ai alors
osé imaginer que la première sépulture n’en était pas une : on avait dû simplement
rouler un rocher sur le cadavre d’un individu puissant qu’on avait tué et qu’on
craignait au point de le croire capable de se relever et de punir ses agresseurs. Un tel
fait, par l’émotion qui l’a suscité et dans sa dimension prévisionnelle, aurait assuré en
même temps, dans la psyché humaine encore balbutiante, l’éclosion de la conscience
de l’écoulement du temps et la mise en place définitive de l’angoisse de mort.
L’hypothèse de cet enchaînement événementiel permettrait de comprendre qu’il ait pu
conduire à l’échange de femmes tel que le postule l’anthropologie. Il contribuerait par
ailleurs à expliquer la notable différence de vécu des sexes par rapport à l’écoulement
du temps et à l’angoisse de mort.
- Ce qui m’a amené à parler :
o D’une mère sûre, telle qu’elle semble être devenue au fil du temps, adossée à
la certitude de sa maternité biologique et consciente d’avoir mis au monde un
être sorti d’elle qui lui permet de faire facilement échec à sa propre mort
physique. Elle sera tentée de garder cet enfant pour elle en construisant autour
de lui un utérus virtuel extensible à l’infini.
o Elle aura cependant face à elle, un père qui, pour flou qu’il n’a pas cessé d’être,
s’efforcera, au fil de la perfection des cultures qu’il a promues et au sein du
couple nécessairement durable que lui assigne la Loi, de déployer son énergie à
s’investir dans les enfants et à tenter de se les approprier.
o Et ce, avec le soutien des corps sociétaux qu’il élabore. J’imagine volontiers
que ce véritable don du père que l’espèce s’est faite, tout en le faisant à
l’enfant, a largement contribué à fabriquer les psychés qui sont les nôtres.
Lacan ne professait-il pas dans Télévision que « l’inconscient c’est le social » ?
L’oedipe, tel que nous le lisons dans l’existence de chacun, avec ses modalités
spécifiques selon le sexe, aura sans doute pris naissance avec les cultures.

- Le repérage que j’ai ainsi effectué jette une lumière nouvelle sur l’évolution récente de
nos sociétés occidentales. La logique de consommation pour laquelle elles ont opté
s’appuie sur :
o les résultats satisfaisants de la dynamique qu’elles ont mise en oeuvre et
o l’affaiblissement du couple parental obtenu par
 l’encensement du lien mère-enfant tel qu’il a existé sur le mode
« naturel ». La mère visant à ce que l’enfant « ne manque de rien » - ce
qui est le sens même du mot incestus.
 l’éviction la plus radicale d’une instance paternelle au pouvoir limitatif
forcément nuisible.
 voire enfin en usant du merveilleux starter que constitue l’inquiétude
générée par le comportement de l’enfant lui-même. Comblé comme il
l’est, ce dernier ne fait aucune expérience d’un temps vide et exempt de
plaisir. Si bien que chaque seconde de privation équivaut pour lui à une
mort imminente. Il devient l’enfant tyran dont viennent se plaindre,
paradoxalement, autant les mères que les pères.
Adultères
La mise à jour de l’alliance objective entre les choix de nos sociétés et le fond pulsionnel du
comportement maternel m’a semblé n’avoir pas épuisé la question des facteurs qui
contribuent à sa force et au renforcement grandissant qu’elle connaît. Il est stupéfiant de
constater qu’à une époque où on se gargarise de grands mots tels que « liberté, indépendance,
respect, altérité, intelligence, analyse, etc… », jamais les adultes ne se sont comportés sur un
mode aussi ouvertement infantile !
J’ai repéré, dans mon expérience de pédiatre à l’écoute des parents, combien cela relève de la
force et de l’impact spécifique que tout enfant sans distinction de sexe ne cesse pas, sa vie
durant, de conférer à ce qu’il vit comme la toute puissance inexpugnable de sa mère.
Pour éclairer le fait, j’ai pris prétexte de l’exploration minutieuse du symptôme que constitue
le phénomène adultérin.
Sans négliger — bien au contraire !— la clinique, j’ai repris aussi bien mon incursion
anthropologique que les implications de la différence des sexes. J’ai pris le temps de montrer
combien et comment les différences comportementales masculines et féminines,
particulièrement dans l’ensemble de nos cultures occidentales, se mettaient radicalement et
quasi irrémédiablement en place dans le tout petit âge. Et ce, sous l’effet de l’injonction
inconsciente de la mère, laquelle, vectrice de son histoire, ordonne de manière toujours
singulière le déroulement de la phase oedipienne.
Cette nouvelle exploration m’a conduit à ne pas faire de cette phase oedipienne un simple
défilé du développement ontologique de l’individu, mais le résultat d’une stratégie adaptative
que le bébé élabore à tâtons pour se débarrasser de la terreur qu’il se met à avoir de sa mère
dès le stade du miroir, terreur qui va le poursuivre longtemps, sinon la vie entière.
J’ai montré comment, dès ce petit âge, garçon ou fille, il va se découvrir mortel et faire de sa
mère, qui médiatise le monde pour lui, l’agent potentiel de la mort qui le menace.

Quand il est un petit garçon, sa stratégie sera simple et efficace : il s’offrira à cette mère en
tant qu’objet sexuel et il fera avec elle l’expérience d’une relation hétérosexuelle – qu’elle
modulera d’ailleurs à sa façon. Envahi, au fil du temps, par la peur de son père, dont il aura
voulu être le rival, il en oubliera la peur de sa mère et se détournera d’elle en se promettant
toutefois de trouver plus tard une femme à son image.
La petite fille, qui n’a pas la même latitude que son frère, devra accomplir pour sa part un
parcours plus acrobatique. Ne pouvant s’offrir à sa mère, elle va tenter de se faire un allié du
père en le séduisant, mais en concédant cependant, par crainte des représailles, une part
d’amour à sa mère. L’expérience hétérosexuelle qu’elle aura tentée sera ainsi toujours
parasitée par une dose d’homosexualité résiduelle qui lui sera spécifique et qui le fera unique,
c’est-à-dire à nulle autre pareille.
La comparaison de ces deux parcours montre l’être masculin comme partie prenante dès son
plus jeune âge de la Loi de l’espèce sous laquelle il s’est placé tout au long de l’évolution de
cette espèce et dans laquelle il n’a pas d’autre choix que de s’inscrire. Alors que l’être
féminin, comme pour faire écho à ses plus lointaines ancêtres, n’a pas cessé d’exploiter les
failles des cultures pour développer et renforcer, à cette même Loi, une rétivité qui se
transmet de mère à fille.
Il apparaît d’ailleurs, dans le travail autour des épisodes adultérins, qu’ils sont le plus souvent
motivés chez les hommes par une réassurance du côté de leur investissement de
l’hétérosexualité et donc de la Loi, alors qu’ils équivalent, du côté des femmes, à une tentative
de retrouvailles de la jonction archaïque avec la mère.
Tout comme il apparaît que lorsqu’on intervient dans une problématique de couple en visant à
remettre l’un et l’autres des partenaires dans la Loi, c’est la femme qui se révèle être la
première bénéficiaire de ce travail. Rejoignant son compagnon dans cette Loi, elle parvient à
se débarrasser de son homosexualité résiduelle et à découvrir la richesse jusque-là
insoupçonnée de sa gestuelle sexuelle.
Conclusion
Que l’on s’intéresse aux symptômes des patients, aux épisodes de l’histoire ou à l’évolution
des sociétés, on retrouve l’humain pris dans un combat sans merci entre son registre
pulsionnel naturel et les règles qu’il s’est donné pour tenter de maîtriser ce registre et vivre en
bon voisinage avec les autres.
La bruyante promotion de la sexualité la plus libre, plus que la louable libéralisation des
moeurs, risque d’ouvrir une boîte de Pandore qui verra les filles certainement échapper à
l’insupportable pression de leurs compagnons pour tomber mieux encore sous le joug de leurs
mères. Le piège qui risque de se refermer ainsi sur elles parviendra assurément à terme à
extraire l’humain de la Loi qui le régit et à le renvoyer, repu et apparemment satisfait, s’il ne
s’est pas détruit auparavant, à la bestialité dont il a mis des millions d’années à s’extraire.
Un tel avertissement est inaudible par le discours pervers qui y réagit non sans talent en
cultivant l’illusion que la Loi pourrait, après tout, être amendée ou changée pour une autre.
N’a-t-on pas vu, au cours de l’année écoulée, la fondation aux Pays-Bas, d’un parti politique
pédophile ?
« L’imagination au pouvoir ! »
Le mot d’ordre de 1968, qui a sonné le glas du registre symbolique, n’a toujours pas cessé de
faire des adeptes.

 

Naouri2-300

 

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